la guilde d’Altaride

Collectif ouvert d’écriture rôlistique

Accueil > Créations > Fils des siècles > Ancienne chronique > Contributions > Cush > 03-Assur

"le Dit de Cush"

03-Assur

l’Assyrie

lundi 26 juillet 2010, par Eric Collins

« Le Dit de Cush »

3 - Assur

« C’est en voyant le monde, bien plus d’humains réunis en un seul lieu que tous ceux que j’ai vus depuis plus de 125 ans, que je me suis rendu compte que ce n’était pas la solitude et l’ennui qui m’ont conduit ici.

C’est plutôt la faim.

En effet, depuis le jour où ce berger m’a surpris en train de me repaître du sang de ses brebis, et qu’en luttant avec lui pour l’empêcher de donner l’alerte, j’ai goûté le sang humain, j’ai compris vraiment que j’avais changé.

Pour moi, c’est cette nuit là que je suis passé du côté des Ombres.
Jusqu’alors, je pouvais me dire que me nourrir du sang des animaux était un rituel de force, comme mes sculptures faites dans l’os de mes victimes, une manière de m’accaparer leur force. De toute façon, les nomades au sud de la Nubie ne se nourrissent-ils pas du sang mêlé au lait de leur vaches ?

Mais là, buvant le sang de l’homme, de ce que je considérais toujours comme mon semblable, j’ai compris pour de bon. Je suis un vampire.
Et là, en voyant plus d’humains réunis en un seul lieu que tous ceux vus depuis ma naissance, j’ai compris que ce n’est pas la solitude et l’ennui qui m’ont conduit ici, c’est bien la faim.

C’est le désir d’être comme le lion au centre du troupeau d’antilopes. De pauvres proies qui ne savent pas que le prédateur vit avec eux. Des victimes qui passent même de la peur au plaisir lorsqu’on prend leur vie entre nos dents !

Oui, c’est la faim qui m’a poussé jusqu’en Assur, la capitale de cette Assyrie victorieuse qui règne sur le monde, faisant tomber même Babylone.

Après mon Étreinte, et le temps passé avec mon Maître, j’ai vécu plus de deux fois la vie des vieillards de ma région. Mes frères et sœurs sont morts et disparus, et probablement leurs enfants, s’ils en ont eus. Ils ont vécu, aimé, souffert… et moi, j’ai observé des animaux.

J’ai passé près de vingt-cinq ans à observer les termitières de Judée.

Le siècle de mon apprentissage est passé.

Finies, les attaches à ma famille et mon passé. Balayées, mes anciennes notions du temps. Dissoutes dans le sang, l’illusion que je suis un homme qui puise sa force dans les animaux.

Je suis un non-mort. Un vampire. Je me nourris de ce que je fus mais ne suis plus. Et je suis venu en Assur pour m’accepter tel que je suis et serai, pour l’Éternité. Je suis venu en cette ville pour apprendre qui je suis, et deviner aussi quel est mon rôle dans le combat qui secoue l’Égypte, la lutte contre ces prêtres-cadavres au visages décharnés qui asservissent la population.

Assur, capitale victorieuse de l’Assyrie, aux nuits plus agitées que mes jours d’antan, avec les cohortes sans fin de marchands venus vendre des fruits que je ne vis pas auparavant, et que je ne goûterais jamais… je suis le chasseur venu de la région de Cush, en Nubie, et qui n’a jamais eu de nom. Je suis le prédateur venu me repaître du sang de tes habitants, mais aussi m’assurer que le Mal n’est pas venu d’Égypte jusqu’ici.

Si c’est bien la faim qui m’a poussé à venir en ces murs, la fin de ma solitude est une bénédiction qui ne me paraît pas secondaire, au contraire.
C’est à peine arrivé que j’ai rencontré Moustache. Je l’ai senti tout d’abord, comme un chef de meute ressent qu’un rival approche. C’est la Bête, l’Animal Primordial, en nous. Mais je sais calmer cela, et c’est ainsi que Moustache et moi sommes devenus… amis.

Il est de mon Clan, un Gangrel, pareil à moi, mon frère… pourtant si différent.

Il est petit, d’abord, avec des yeux de félin, et il aime à s’envelopper des dépouilles de ses proies. Et puis il arbore une fine moustache noire. C’est Moustache.

Mais il est puissant. C’est un chaman, qui sculpte la pierre, et qui sait changer son corps en sable et se cacher parmi les cailloux. Et puis il a maîtrisé l’esprit de l’ours, qu’il sait faire ressortir au bout de ses mains, qui deviennent puissantes et griffues.

Pourtant il ne sait pas parler aux animaux de cette région. Comme il vient de tellement loin, je me dis qu’il est peut-être originaire de l’autre face de la Terre, et je devrais lui suggérer de parler à l’envers aux bêtes d’ici, cela irait peut-être ?

En tout cas, il m’a hébergé chez lui, et m’apprend bien des choses sur la ville, et sur les autres vampires.

Car nous sommes une demi douzaine ici.

Il y a la Reine, bien sûr. Qui vit sous le palais royal, assise sur son trône, et qui a peur pour sa ville, mais n’ose pas ordonner aux habitants que nous sommes de lui obéir. Elle a le titre de Reine, mais moins de puissance que mon père n’avait sur sa famille. Étrange.

Et puis il y a Grand-Mère, une sage, qui ne craint rien, et qui a tant vu de choses que plus rien ne lui fait peur.

Ensuite, il y a Petit Coq, qui trouve drôle que je ne donne comme nom que la région d’où je viens… et qui, en plus, n’a même pas le courage de montrer qu’il trouve cela risible lorsque la Reine ne sourit pas. Petit Coq semble tourner avec le vent. En plus, lui, il donne son nom. Ne sait-il donc pas que c’est un secret à conserver avec précaution ? L’ennemi peut nous faire tant de choses, nous ordonner, nous manipuler, s’il connaît notre nom véritable. Allez, rigole, Petit Coq, virevolte avec les vents, et hurle ton nom à tout va… mais ne compte pas survivre longtemps de la sorte.

Enfin, il y a Sans-Traces. Lui, il me fait peur. Il n’est pas stupide comme Petit Coq. Déjà, il ne se pavane pas, mais il se dissimule, mieux que tout ce que j’ai rencontré jusqu’ici. Déjà, il sait tellement bien masquer son odeur, que même Lycaon ne peut deviner sa présence. Ensuite, je ne sais pas s’il devient petit comme un moucheron, s’il se rend transparent comme l’eau, ou s’il glisse hors de ce monde… mais il sait apparaître et disparaître à souhait. Aucune trace, il n’en laisse aucune.

De plus, il a quelque chose, dans son regard ou son maintien, qui me fait ressentir que s’il aime chasser, ce n’est pas par besoin, mais par plaisir. Il doit apprécier de donner le coup de grâce. De voler la vie…

Le désir de tuer mêlé au pouvoir d’aller et venir à sa guise, Sans-Traces est un adversaire redoutable. Je me demande s’il n’est pas près de basculer du côté du Mal, comme les Prêtres en Égypte ? C’est un Mekhet, c’est le nom de son Clan, comme Moustache et moi sommes Gangrel.

Et puis il y a les femmes. Elles sont trois. Une qui vient d’arriver, et qui n’a pas encore trop de robes à transporter, et deux qui sont déjà là depuis un moment, et qui ont beaucoup de vêtements, tellement qu’il leur faut une caravane pour les transporter. L’une des deux se croit plus belle que l’autre, mais, à part cela, je ne sais pas trop ce qu’elles font. Ce sont, je crois, des Daevas, un troisième clan. Est-ce que toutes les femmes vampires sont des Daevas ? Enfin, toutes les jeunes, car Vénérable Grand-Mère est une Nosferatu. On verra bien.

On verra même peut-être assez vite, ce que nous savons tous faire, car, ayant appris que des êtres surhumains, mi-hommes mi-loups, ont occis une paire d’éclaireurs d’Assur, et mis le reste de la bande en déroute, nous sommes partis, Moustache, Sans-Traces et moi, afin de voir ce dont il retournait. Grâce aux informations donnés par les chacals de la région, nous avons pu confirmer qu’il s’agissait bien d’une vingtaine de Garous, arrivés depuis quelques mois, une meute dirigée par Kam. Ils logent dans d’anciennes grottes, au centre de la forêt, et nous avons repéré leur piste, et Lycaon connaît leur odeur maintenant.

Mais eux aussi, connaissent la notre, car ils nous ont fait fuir à toutes jambes, nous pistant comme des gazelles, se criant l’un à l’autre. Quel chasseur je fais !

En dépit des supplications de la Reine, les femmes aux garde-robes ont décidé de partir pour Babylone, comme prévu, et, bien que je serais resté ici avec plaisir, pour tenter de parlementer avec les Garous, je veux suivre Moustache, ainsi que les autres de ma nouvelle race.

Nous partons donc demain à la tombée de la nuit. »

Messages

  • Vraiment sympa la vision du perso, les noms qu’il donne aux personnes qu il rencontre. une jolie psyche (damn ! pas d accent ici)

    et qui plus est fort bien illustre ! bref on le lit avec plaisir !

  • Récits très sympa (celui-ci et les deux précédents) en effet et très agréablement illustrés.

    A noter que sur le spip il est possible de nommer chacune des images (pour afficher le texte en survolé à la souris ou en-dessous de l’image selon que c’est considéré comme une "image" ou un "document")

    En tout cas merci pour ce texte et cette vision du dit Cush