la guilde d’Altaride

Collectif ouvert d’écriture rôlistique

Accueil > Créations > Fils des siècles > Ancienne chronique > Contributions > Mesgora Mac Da Tho > Le Choix

Le Choix

Naissance de Lykos

lundi 14 août 2006, par Taho

C’était une nuit d’été. L’air était lourd et suffocant, et tous les habitants du fort, mortels ou non, s’étaient retirés dans la fraîcheur relative de leurs demeures. Moi seul avait pris la route cette nuit là, suivant cet appel impérieux que la nature exerce sur mes sens. Me laissant guidé par mon instinct, et ne suivant pas d’autre chemin que la lumière de la lune sur la terre aride, je m’étais retrouvé devant une forêt familière dont je ne m’étais plus approché depuis bien des années.
La forêt s’était étendue, et les restes de carcasses traînant sur le sol me portèrent à croire que les créatures y vivant n’avaient pas déserté les lieux. Sans essayer de me dissimuler, je m’approchai des lieux, une main dressée en signe de paix. Une fois de plus, le vieux gardien des lieux vint m’accueillir. Notre discussion fut courte, il n’avait pas de nouvelles des loups-garous de Thèbes à me communiquer, et je pensais que nous n’avions rien d’autre à nous dire. Il me rattrapa tout de même alors que je m’éloignais et commença à parler :
« J’ai quelque chose pour toi, me dit-il.
- Je n’attend de toi rien de plus que ce que je t’ai demandé. Si tu veux répondre à ma question, parle, sinon, écarte toi de mon chemin.
- Attend. Je pense que tu pourrais être intéressé. »
Il siffla et deux figures puissantes sortirent des fourrées, tenant entre eux une silhouette légère et fluette se débattant comme un loup pour échapper à l’emprise des deux colosses. C’était un enfant aux cheveux d’ébène en bataille, avec le profil typique des gens de cette région. Sale et affamé, il ne ménageait pourtant pas ses forces pour échapper à l’étau de chaire qui le maintenait prisonnier.
« Non merci, je me suis déjà nourri...
- Ce n’est pas une offrande de sang.
- Que veux-tu que j’en fasse alors ?
- Je pense que tu le sais très bien.
- Qu’entends-tu par là ?
- Tu es puissant, Mesgora, et tu ne sembles pas prêt à abandonner ton pouvoir en te laissant envelopper par la torpeur. Un jour viendra où tu devras faire un choix. Lorsque ce jour viendra, j’espère que tu choisiras l’option que je te propose ce soir. Prend-le.
Les deux chasseurs relâchèrent leur proie, et l’enfant vint instinctivement se cacher derrière moi.

Je n’avais pas compris de quoi il parlait, mais ne souhaitant pas m’attirer les foudres de mes voisins, je décidai de garder l’enfant en vie. Je le laissai vivre dans un coin reculé de mon domaine, loin de toutes habitations humaines. C’était un enfant sauvage, et il était heureux de poursuivre son style de vie. Régulièrement, je revenais le voir pour lui apporter à manger. Je lui appris à parler et chasser, à se battre, prenant un étrange plaisir à constater ses progrès. En un clin de mes yeux immortels, il devint un adulte en pleine possession de ses moyens. Graduellement, je commençai à l’inclure dans la vie de tous les jours du fort. Il devint une figure de proue de mon armée et grimpa vite les échelons. J’étais fier de lui.
Il avait toujours su que je n’étais pas humain. Au fond de lui, il me voyait plus comme un dragon l’ayant pris sous son aile. Jamais comme un mortel. Lorsqu’il commença à décliner physiquement, ma vie commença elle aussi à prendre un tournant. Le sang des mortels ne suffisait plus à me sustenter. Chaque nuit, j’étais plus assoiffé à en perdre parfois la raison. Mes compagnons m’expliquèrent que mon sang était devenu trop puissant, et que dorénavant, je devrais boire du sang d’immortel ou faire un infant. Les paroles du vieux gardien me revinrent alors. Le jour du choix était venu. Je pris la vie de mon protégé et lui offrit le don des ténèbres.
Cela fait quelques années maintenant, et j’ai trouvé en mon infant un ami comme plus jamais je ne pensais avoir. Chaque nuit passée à arpenter le monde ensemble est plus prometteuse que celle qui la précède et moins que celle qui la suit.