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Les Architectes

Plus de Métro après minuit

Scénario

vendredi 30 juin 2006, par Benoît

Cet article présente un scénario complet pour le jeu de rôle Les Architectes. Il est vivement conseillé aux joueurs de ne pas lire les lignes qui suivent ; Les Architectes est un jeu à secrets : en découvrir la plupart avant même de jouer serait gâcher une partie du plaisir...

Scénario

Prologue

La Mise en place de la crise

Cette introduction est destinée à permettre aux joueurs d’interpréter le moment clef de l’histoire de leur personnage, l’évènement qui fera d’eux des « Lignes Brisées ».

Dans un premier temps, vous devez, en tant que Meneur de Jeu, inviter vos joueurs à réfléchir au sujet de l’environnement social de leur personnage : est-il marié, a-t-il des enfants ? Où vit-il ? Quelle profession exerce-t-il ?

Une fois ce contexte établit, déterminez la nature de l’évènement. Il doit s’agir d’une situation dramatique, un choix crucial pour le personnage.

Des exemples ?

- Une famille a deux jumeaux gravement malades à la naissance. Le prix de l’opération médicale qui pourrait les sauver est si élevé que même en faisant de leur mieux, ils ne pourraient sauver qu’un seul des deux bébés... lequel choisir ?
- Un homme est déchiré par son amour entre deux femmes : la mère de ses enfants et une amante qui lui a posé un ultimatum auquel il doit répondre avant minuit.
- Un prisonnier se voit proposer une remise de peine en échange d’un témoignage contre son ancien patron. S’il collabore, il pourra revoir sa fille ; mais s’il parle, l’autre se vengera...
- Un démineur est face à une bombe prête à exploser dans un lieu public. S’il ne touche à rien, la bombe saute. S’il se trompe de fil, la bombe saute. Y a-t-il seulement un bon fil ?

L’objectif est de poser une situation claire mais insoluble. Quelle que soit le choix du personnage, il s’avèrera fatalement mauvais. L’intensité dramatique doit atteindre son paroxysme avec un test de Santé Mentale (un échec entraîne une perte de cartes égale à l’écart entre le score et la carte tirée).

La Crise

Le personnage exprime alors violemment son refus de participer à un choix aussi atroce. Il prend alors conscience des lignes du destin, qui deviennent visibles alors qu’il se voit au cœur d’un faisceau important de lignes qui se croisent exactement sur lui. Son hurlement fait trembler les lignes du destin, en insistant il peut en détruire plusieurs et s’affranchir de son choix.

La situation se débloque alors comme par enchantement. Il n’y a plus de choix à faire. L’un des protagonistes du dilemme s’est retiré de l’équation ou un évènement survient qui règle le problème.

La Nouvelle Solitude

Livré à lui-même, le personnage découvre rapidement qu’il est différent. Son entourage l’oublie en quelques heures. Son nom disparaît de tous les nouveaux documents officiels. Son patron oublie qu’il l’avait embauché et engage quelqu’un d’autre à sa place. Sa femme (ou son mari) oublie son mariage et trouve quelqu’un d’autres. Ses parents, ses enfants ne le reconnaissent plus, pas plus que ses amis ou ses voisins. Son compte bancaire est clôturé comme une erreur, sa maison mise en vente comme s’il ne l’avait jamais habitée...

Quand il tente de s’adresser à quelqu’un, la personne répond avec un manque d’intérêt évident et oublie son intervention quelques minutes à peine après. Dans le cas d’une marque indélébile laissée par le personnage, celui-ci pourra avoir la sensation d’être observé. Ce sont des sondes des fantômes qui le tiennent à l’œil. Si les actions du personnage deviennent dangereuses pour l’expérience Terre, les sondes passeront à l’action, d’abord pour donner un avertissement (un passage à tabac en règle sans explication), ensuite un règlement de compte définitif. Espérons ne pas en arriver là aussi vite... Jouez d’abord le scénario ci-après.

Plus de Métro après minuit

Ceci est un scénario d’introduction au jeu de rôle Les Architectes. Vous pouvez le jouer directement en utilisant les personnages prétirés proposés avec les règles ou bien commencer par un prologue personnalisé mettant en scène la brisure du destin de chacun des personnages. Vous pouvez également utiliser les règles de création de personnages. Le scénario nécessitera quelques adaptations pour les passages concernant le léger historique des personnages prétirés.

- Les lieux de l’action :
Vous pouvez librement situer l’action dans l’environnement de votre choix. Nous vous recommandons une grande ville occidentale. Par défaut, le scénario parlera de Paris.
- L’époque de l’action :
Les Architectes est un jeu de rôle contemporain. Vous êtes cependant libres de jouer dans l’année de votre choix. Le jeu est facilement compatible avec une ambiance moyenâgeuse. Ce scénario est prévu pour être joué au mois de mai 2006.

Introduction

Leur prologue accompli, les personnages ont pris conscience de leur libération vis-à-vis de leur environnement habituel. L’introduction a pour objectif de réunir les personnages du groupe.

Chacun des PJ vaque aux occupations de son choix lorsqu’une violente explosion retentit dans la ville. La foule est paniquée, on parle d’attentat dans le métro. De loin, un panache de fumée noire est visible au-dessus des toits.

Tous les PJ se trouvent dans le même quartier. Ils mettent approximativement le même temps pour se rendre sur les lieux de l’explosion.

La première constatation est qu’il s’agit bel et bien d’un attentat. Le sol s’est effondré aux alentours de la bouche de métro, qui crache un panache de fumée noire. En se faufilant au milieu des curieux, on peut voir un homme qui émerge du nuage en portant un blessé sur l’épaule. Il a un bandana sur le visage, sans doute pour filtrer la poussière. Il dépose le corps en haut des marches et redescend dans les sous-sols. Personne ne bouge dans la foule. Au loin, on entend des sirènes.

L’individu est une « Ligne Brisée » qui a perdu les pédales. Désespéré de ne pouvoir capter l’attention de la population, il en a été réduit à faire exploser une bombe dans le métro pour sauver ensuite les rescapés. Il souhaite passer à la télévision et devenir un héros national.

Bien entendu, sa stratégie est vouée à l’échec car personne ne prêtera particulièrement attention à ses actions, si ce n’est deux factions : les PJ, qui étaient dans les parages, et les Architectes, qui n’apprécient pas vraiment qu’on dynamite leur expérience.

Que les PJ viennent en aide au sauveteur ou non n’a qu’une importance mineure. L’homme pourrait même estimer qu’ils lui font concurrence et les agresser dans le nuage de poussière.

Des pompiers arrivent rapidement pour s’occuper du problème. Un test d’Investigation peut révéler que contrairement à la foule, certains pompiers prêtent une attention toute particulière aux sauveteurs (et éventuellement aux PJ qui lui donnent un coup de main). Ces pompiers sont des sondes envoyées par les Architectes. Ils ne sont là qu’en tant qu’observateurs et se suicideront dès que leur tâche de surveillance sera achevée.

Si les PJ s’éloignent, ils risquent d’être suivis. Le sauveteur, lui, cherche à attirer l’attention.

« J’étais là, j’ai tout vu, je les ai sauvé ! » Il décrit en détail ce qui s’est passé mais personne ne vient l’interroger.

Si les PJ viennent lui parler, il se présente : Antoine Péchard, directeur d’une superette du quartier. En le travaillant un peu, il se livre facilement, heureux qu’on prête enfin attention à lui.

À 51 ans, Antoine Péchard pensait tranquillement à sa retraite quand on lui a diagnostiqué un cancer du cerveau. Se sachant condamné, il a longuement hésité à mettre fin à ses jours. Le choix déchirant entre la vie dans la souffrance ou la mort rapide le dévorait car il ne pouvait se résoudre à choisir. Finalement, il n’a pas pu choisir et il a déchiré les lignes de son destin. Depuis, son cancer s’est mystérieusement résorbé et plus personne ne lui prête attention. Il faudra le cuisiner un peu plus pour lui faire avouer qu’il est l’auteur de l’attentat mais il est si dérangé qu’il ne tiendra pas longtemps.

Sa santé mentale pourrait légèrement remonter s’il apprend que les PJ partagent le même genre d’expérience que lui. Sa solitude est enfin rompue. C’est également l’occasion pour les PJ de se rencontrer mutuellement et d’apprendre que leur cas n’est pas unique.

Les observateurs sondes se font moins discrets et attirent finalement fortement l’attention du groupe. Si un PJ tente d’aborder l’un des pompiers, il s’enfuit.

Peut s’ensuivre une course-poursuite en ville dans laquelle vous pouvez intégrer autant de péripéties que vous le souhaitez, en gardant à l’esprit que ni les sondes ni les PJ n’attirent l’attention des passants. Une voiture ne déviera pas sa route si on lui fonce dessus, des piétons ne s’écarteront pas non plus...

Rejoindre finalement l’un des observateurs l’acculera à sa dernière ligne de programmation : le suicide. Il peut sauter du toit d’un immeuble, se jeter sous un camion...

La scène permet aux PJ de comprendre que des gens sont prêts à tout pour les observer et se taire.

Rencontre avec les Mutants

Quand le pompier meurt, un van noir fait irruption jusqu’au plus près de la scène. Les portes s’ouvrent et un groupe de quatre personnes en descend. Ils sont armés, vêtus comme des paramilitaires, l’œil aux aguets.

Il s’agit de quatre membres du repaire des « Lignes Brisées » de Paris, les Mutants. Un homme et une femme surveillent la zone en pointant leurs armes un peu partout pendant que les deux autres se précipitent pour récupérer le cadavre de la sonde et l’embarquer dans le van.

On peut apercevoir dans le véhicule des installations technologiques particulièrement sophistiquées, des sortes de super-ordinateurs aux écrans scintillants de couleurs changeantes.

Une fois le colis chargé, les inconnus invitent les PJ à monter à bord avec Antoine.

À l’intérieur, ils se présentent :

- La Guigne, un ancien gendarme, moustachu, aux petits yeux inquisiteurs. Conduit le van.
- Charlie, une petite femme solide qui semble très à l’aise avec les armes à feu.
- Raton, un adolescent de 16 ans habillé en rappeur. Manipule les ordinateurs.
- Boss, une grande rousse autoritaire, qui dirige le groupe.

En quelques mots, Boss expose la situation :

« Vous êtes des « Lignes Brisées ». Personne ne viendra vous aider. Vous êtes paumés. Mais vous pouvez les voir, comme nous. On va dépiauter cette sonde et en tirer un peu d’ecto, pas vrai, Raton ? Mais mieux vaut ne pas moisir dans les parages, les fantômes rôdent, maintenant. Votre petit coup de pub les a fait sortir de leur terrier ! »

Quelques virages plus loin, La Guigne annonce : « Les voilà ! Deux fantômes à bâbord ! On coupe par le boulevard République ! Charlie, monte au créneau ! Raton, je veux un itinéraire d’évasion ! »

Jeter un coup d’œil dehors permet effectivement de repérer des formes laiteuses, pratiquement invisibles dans la lumière du jour. Sur les écrans des ordinateurs manipulés par Raton, des filtres vidéo permettent d’en avoir une image plus nette. Ce sont bel et bien des fantômes !

Charlie ouvre une trappe dans le toit, Boss lui fait passer une sorte de fusil technologique avant de récupérer des plaques de métal par terre pour recouvrir les fenêtres. « Donnez-moi un coup de main, bon sang ! » Dehors, Charlie commence à artiller sur les fantômes avec son arme électrique.

La Guigne, le conducteur, éprouve quelques difficultés à manœuvrer le véhicule. Un fantôme parvient à couper la route et passe au travers des portes avant du van. Traversé de plein fouet par la chose, l’ex-gendarme s’écroule en grognant, les muscles tétanisés. Son visage est recouvert d’une substance froide et gélatineuse : de l’ectoplasme. Charlie repousse l’apparition à grandes rafales d’éclairs électriques qui font crépiter la forme intangible. Un PJ doit prendre le relais aux commandes et suivre l’itinéraire indiqué par Raton pour entrer dans les égouts par une voie de garage des services municipaux, en explosant un portail au passage. D’autres personnages peuvent se rendre utiles en récupérant d’autres armes à l’arrière ou en soignant La Guigne. Boss a le temps d’expliquer que les plaques métalliques permettent de ne pas être vus par les fantômes. Elle récupère également un échantillon d’ectoplasme sur La Guigne.

Le Repaire des Mutants

La planque des « Lignes Brisées » se trouve dans les égouts de la ville. Plusieurs pièces ont été isolées à l’aide de plaques de fer disposées sur les plafonds.

Une fois à l’intérieur, le groupe peut stopper le véhicule et faire une pause.

La planque rassemble une dizaine de « Lignes Brisées ». Ils disposent d’une antenne médicale, de pas mal d’électronique et d’informatique, d’un stock d’armes impressionnant et de quelques objets étranges d’origine visiblement non-humaine.

C’est le temps des explications.

Boss confie La Guigne à Médoc, le médecin du groupe, avant d’allumer une cigarette et de répondre aux questions des PJ.

La jeune femme connaît l’existence des fantômes, elle ignore quel est exactement leur objectif mais elle est persuadée qu’ils jouent un rôle dans l’apathie générale de l’humanité. Le groupe a récemment réussi à capturer une sonde, un de ces humains à la solde des fantômes. Il s’est avéré que la sonde était incapable de parler. D’après Médoc, cet individu a été créé dans une éprouvette (il n’a pas de nombril). Un lavage de cerveau en règle l’a « programmé » pour observer les « Lignes Brisées », ceux qui ont réussi à échapper à leur destin. En recoupant l’histoire de chacun des membres du groupe, les Mutants ont compris qu’ils disposaient d’un pouvoir inhabituel sur la trame de leur destinée. La plupart se considèrent comme des mutants bien que Médoc n’ait rien trouvé d’anormal physiquement. Le Prêcheur, un ancien coiffeur, raconte à qui veut l’entendre qu’il s’agit d’une punition divine.

Chasse aux spectres

Le groupe étudie avec attention les éléments rapportés de l’expédition. Antoine semble toujours sous le choc de ces révélations, il est en état d’hébétude. Médoc analyse les échantillons d’ectoplasme en expliquant qu’il s’agit d’une matière impossible, qui ne peut pas exister selon la science moderne. Pour Raton, c’est la preuve que le paranormal existe. Pour Charlie, c’est une odeur à faire renifler à un chien de chasse pour traquer du fantôme.

Raton explique que les machines qu’il a récupérées chez la précédente sonde permettent de repérer des traces d’ectoplasme à distance, ce qui permettrait potentiellement de capturer un spécimen. Évidemment, il reste à trouver un moyen d’immobiliser une créature intangible. Quelques réflexions portant autour du fusil électrique permet de mettre en évidence que les fantômes craignent l’électricité. Il ne reste plus qu’à mettre au point une cage électrique et à y attirer un fantôme... Le fer étant également un point faible des fantômes, il est possible d’imaginer une souricière métallique où enfermer un fantôme imprudent.

Laissez les PJ mettre au point leur plan de capture. Globalement ils doivent trouver un moyen d’attirer un fantôme (par exemple en faisant du raffut comme Antoine et son attentat en ville) et de le faire entrer dans leur cage avant d’allumer le compteur électrique ou de verrouiller la porte en fer. Le fantôme ne se déplace pas seul, il envoie en éclaireur des sondes qu’il faudra neutraliser. Elles pourraient être mieux préparées à un affrontement que de simples pompiers.

Questions pour un fantôme

Une fois le fantôme capturé, il s’agit d’en tirer quelque chose. Médoc pourra commencer par prélever d’importants échantillons et faire quelques tests. Leur analyse n’indique pas grand-chose de clair, si ce n’est que cette créature n’est pas matérielle, elle n’est pas originaire de notre univers et elle dispose de talents étonnants. Entre autres, la télépathie et la télékinésie.

Le fantôme comprend parfaitement ce que disent ou même pensent les personnages (sauf s’ils se mettent à l’abri derrière du métal). Il est également capable de s’exprimer dans leurs pensées, de manière individuelle ou collective.

Sentant la fragilité d’Antoine, il va tenter d’en faire un agent double en lui proposant des offres alléchantes où la société humaine le reconnaîtrait à nouveau.

S’il est suffisamment bien interrogé (notamment si son existence est mise en péril par une surcharge électrique bien dosée), le fantôme est prêt à donner quelques explications.

Il se nomme Vonz, il appartient aux Architectes, des créatures supérieures qui utilisent la planète Terre comme un champ d’expérimentation où tous les êtres vivants sont des cobayes. Les PJ sont des erreurs de parcours, à la fois dangereuses et fascinantes. Sa curiosité scientifique l’amène à poser de nombreuses questions aux personnages au sujet de leur révolte face au destin. Il apparaît rapidement que Vonz et ses amis Architectes font des recherches portant essentiellement sur la destinée et le libre arbitre. L’autonomie des PJ ne cesse de l’étonner.

En échange de sa libération, Vonz est prêt à faire un marché et à donner des informations importantes concernant son espèce. Charlie suggère de l’éliminer pour éviter qu’il n’aille tout rapporter à ses congénères.

Vonz est prêt à expliquer que les Architectes vivent dans le ciel au-dessus de la Terre. Sous la menace, il pourra coopérer et obéir aux désirs du groupe de « Lignes Brisées ». Reste à déterminer ce qu’ils souhaiteront faire.

Conclusion

Si Vonz s’échappe, il préviendra ses pairs qui enverront de nouvelles sondes pour capturer les « Lignes Brisées » et les emmener dans leur laboratoire afin de leur faire subir des tests. Potentiellement, le groupe peut poursuivre ses investigations en prenant le contrôle d’une navette spatiale américaine pour aller rendre visite aux Architectes dans leur laboratoire. Une combinaison intéressante consiste à faire en sorte que seuls quelques personnages du groupe soient enlevés, entraînant l’autre moitié à dérober une navette pour aller les sauver dans le laboratoire.

Au final, les PJ devraient commencer à comprendre un peu mieux l’univers dans lequel ils vivent désormais. À eux de faire les choix qui changeront à jamais le destin de l’humanité. S’ils y parviennent.