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Campagne Ars Magica - Nantes

De l’absence de discernement

extrait des mémoires d’Ailin Doublevue – Tome II - « Fondations »

lundi 17 octobre 2011, par GIOM

Jeunesse est souvent liée à manque de prudence. Savoir identifier les signes est indispensable. La roue tourne et l’humain reproduit inlassablement les mêmes erreurs. Et moi autant qu’un autre à l’époque.

Décision était prise. Nous voyagerions vers Confluensis par voie de mer, depuis Nantes. Stanislas resterait seul avec Tibors au sein de l’Alliance. Au fond de moi j’espérais que ce ne fût pas la moins sage des décisions... Stanilslas était, dès à l’époque, celui de nous quatre mages en qui j’avais le moins confiance. Je revoyais en lui le défaut de nombreux de nos pairs : arrogance envers le commun des mortels, soif de richesse, de pouvoir et de secrets... sans parler d’interrogations sur ses mœurs. Et que dire de Tibors. Plein de vie, admirable... mais incapable de rester enfermer à « jouer le mort ».

Car en effet, la première partie du voyage, en compagnie de Stanislas, devait se dérouler à Nantes avec la mise en scène de la mort de Tibors. Dame Catherine se chargea de lui trouver sa doublure et, avec l’aide de son frère, mit en scène l’accident. Je dois avouer ici que je savais au fond de moi que la doublure choisie trouverait une mort injuste. Mais je ne me suis pas opposé au destin des rouages du temps. Aujourd’hui, lors que mes jours me sont comptés, je sais que j’ai eu tort. Espérons que ce que j’ai acquis me permette d’y remédier la prochaine fois.

Nantes fut également l’objet d’achats en nombre pour installer nos laboratoires au sein de l’Alliance. L’apothicaire, Apolinus, profita d’avoir une clientèle intéressante et intéressée pour nous donner les dernières nouvelles militaires et politiques de la région. Ceci lancé, Aodren accompagné de son inséparable Amalric, se chargèrent de nous trouver un navire pour Brest.

Jeremie, jeune estudiant De mon côté, j’enquêtai sur la « Tour à la Couronne Brisée » comme je l’appelais alors. La seule piste que j’avais pour trouver des érudits connaissant la région était l’université, tenue par l’évêché. Je m’y rendis nonobstant le risque mais décidai d’aborder ponctuellement tel ou tel estudiant ou érudit sortant de l’université plutôt que d’entrer moi-même. Et la démarche fut porteuse. Un des universitaires sembla heureux de trouver une oreille plus ouverte. Jérémie, de son nom, se lança dans une discussion sur le réel et le métaphorique. Les quelques mots pour orienter la conversation suffirent à le mettre à l’aise... un débat personnel presque athée pour un estudiant de l’université de l’évêché. Le jeune homme sembla in fine heureux de cette opportunité et se proposa d’enquêter sur la tour. Nous prîmes rendez-vous au printemps pour échanger de nouveau.

Quatre jours s’étaient écoulés, à Nantes. Tibors de Penthièvre était officiellement mort, tombé, fin saoul, d’un pont enjambant la Loire... bien que son corps ne fut jamais retrouvé. Le corps d’un docker fut par contre repêché. Stanislas avait décidé de s’en tenir à son plan, faisant fis de nos avis. Mais le principal attrait de notre plan était que le corps de Tibors ne fût point retrouvé pour nous garder une opportunité ultérieure. Et en cela, nous avions réussi.

La MouetteLa Mouette, navire qui avait accepté de nous embarquer, prit son envol. C’était la première fois que je prenais la mer pour une si longue distance. Mais le roulis ne me perturba pas tant que ça. Moins que l’absence de repères et de... sa présence.

Le trajet se passa sans autres soucis que le mal de mer d’Aodren et Xzyl. Mais à quelques heures de voyage de Brest, le temps se grossit et la Mouette fut ballottée par vents et vagues. J’étais positionné à la proue. Des lumières semblaient nous indiquer une trajectoire. Au dernier moment, j’aperçus des récifs droit devant nous. Je tentai d’alerter le capitaine mais en vain, même la magie ne me permit pas d’augmenter suffisamment le volume de ma voix face à la fureur des éléments. Et mes talents en Auram étaient pour ainsi dire nuls. La Mouette allait briser ses ailes sur ces récifs et je ne donnais pas cher de nos fragiles vies. Si loin de pouvoir trouver réponse à l’Enigma !

C’est alors que je vis la première apparition de la « Dame Blanche ». Son visage à la chevelure ondulée impressionnante se dessina dans les vagues qui, alors, nous écartâmes des récifs. La Mouette fut ensuite guidée par des dauphins. Celle que je ne connaissais pas encore comme la Maîtresse des chimères venait de nous sauver une première fois la vie.

Nous débarquâmes le lendemain à Brest. La ville était en effervescence : les soldats anglais, alliés des Bretons en cette période, étaient en nombre. Nous posâmes nos bagages à l’auberge de la Pomme d’or. Nom fort à propos.

La première journée passée en ville m’apprit que l’Église y était très présente et active, avec possiblement quelques chasses aux sorcières ayant déjà eu lieu. Qui plus est, plusieurs érudits avaient disparu au cours des dernières semaines. De retour à l’auberge, j’en informai aussitôt Aodren et Xzyl. Ce-dernier m’affirma avoir été assailli magiquement.

Mais dès le soir, prudence était oubliée. Catherine vint nous proposer de nous joindre à elle pour une soirée mondaine un peu spéciale. Un prétendu mage y était en spectacle et la dite soirée devait être épicée par une sorte de poudre aux propriétés festives étranges, dont la provocation de visions. Ceci aiguisa notre curiosité plus que notre prudence. Nous décidâmes donc de nous rendre sur place. Précaution avant départ, nous nous appliquâmes à dissimuler nos effets personnels, tant physiquement que magiquement. Illusion de sécurité. Immaturité certaine.

Je passerai sur les tenues qu’avait réussi Catherine à nous faire porter à Xzyl et moi. J’avais beau, dès à l’époque, penser que la tenue vestimentaire était futile, je devais bien avouer que porter ces vêtements habillés et à la mode n’était pas pour me mettre à l’aise. Le corps et l’esprit prennent parfois leurs habitudes indépendamment de la volonté de l’homme.

Deux gardes étaient postés à l’entrée, persuadés que nul ne voyait le troisième dissimulé et prêt à intervenir en cas de problème. Nous n’étions de toute façon pas là pour créer un quelconque problème... bien au contraire, malheureusement.

La soirée semblait bon enfant, bien que certains eussent des mœurs assez particuliers. Rien d’exceptionnel mais le mal-être croissait en moi... toujours persuadé qu’il était lié à la soirée ou, plus stupide encore, à la tenue que je portais. Ce n’était pourtant pas la première fois que j’avais ce genre de prémonitions. Et la difficulté à les interpréter ne devait en rien excuser un manque flagrant de discernement.

Le « mage » fit alors son apparition. Un nain. Ses tours de prestidigitateurs avaient tout de la magie. De plus en plus mal à l’aise, je ne trouvai rien de mieux que d’user de ma magie pour voir si les illusions étaient réelles ou non... Tibors n’eut pas fait moins subtile !

Le nain porta aussitôt son regard vers moi et insista pour que je vienne sur scène... pour me faire disparaître. Je serais déshonnête avec moi-même si je disais que je n’avais pas le choix... mais la roue du temps nous offre toujours le choix. Le tout est de l’assumer. C’est l’absence de choix qui nous conduit à revivre sans cesse les mêmes vies.

Et ce qui devait arriver, arriva, je disparus !